Chapitre 1
Notre histoire commence un matin d’avril en 2013, dans une petite ville du Sud-ouest de la France pas très loin de Bordeaux. La particularité de cette ville était son internat, un centre d'accueil pour orphelins et enfants dont les parents ne pouvaient s'occuper. Ils l’avaient construit dans une ancienne prison et pour la plupart des pensionnaires s’en était encore une, le seul moyen de la quitter étant la grande double porte en métal. Et cette dernière était constamment gardée par un système de surveillance imbattable, un garde champêtre irascible et son unique ami son bulldog pur-sang. Les enfants n'avaient pas beaucoup d'occasions de sortir, lors de vacances, pour les sorties académiques et lors de cas exceptionnels. Car c'était un internat à l'année, du premier janvier au trente et un décembre. Il y avait même une école intégrée, avec une classe de chaque niveau, de la Sixième à la Terminale et le Bac était leur seul ticket de liberté. Un très bon système de motivation à mon avis !
Mais l'internat n'était pas aussi invivable qu'on pourrait le croire, à partir de la seconde tous les élèves avaient le droit à une chambre individuelle à l’inverse des plus jeunes qui devait se la partager à quatre. À cet âge-là, ils gagnaient aussi accès libre à toute la forêt qui longeait l'internat, un espace hors du contrôle des adultes. Il fallait une bonne heure pour traverser la forêt de long en large et par mesure de sécurité, elle avait été entourée de grands murs de pierres. Il n'y avait qu'un seul bâtiment dans la forêt, situé à l'opposé du reste de l'internat. Il était complètement désert et les élèves n'avaient pas hésité à en faire leur base d'activité lors de leurs temps libres. La plupart des jeunes s'y retrouvaient pour jouer aux cartes, se raconter des histoires aussi impressionnantes que fausses et passer un bon moment ensemble loin des adultes.
Pour rajouter à leur isolement, même la ville à laquelle ils étaient rattachés était petite et séparée du monde. Il y avait bien une ligne de bus qui passait à intervalle irrégulier, mais ceux-ci étaient rares et peu nombreux. La seule autre option était de marcher et atteindre le centre de Bordeaux prenait bien deux heures.
Revenons en au sujet de notre histoire, Simon. C'était un garçon ordinaire, à 17 ans il était grand mais pas très sportif, et ses muscles ne s'étant pas encore vraiment développés lui donnaient une apparence quelque peu malingre. Il avait les cheveux bruns rebelles d'un adolescent qui essaye de se les laisser pousser et le fantôme d'une moustache se dessinait sur sa lèvre supérieure. Le seul trait qui mettait vraiment Simon en valeur était la couleur de ses yeux, d'un bleu étonnement profond.
Il se réveilla au bruit de son réveil, et d’une main aveugle essaya de le réduire une fois de plus en poudre, mais comme chaque matin ne réussit qu’à l’éteindre. D’un coup d’œil vitreux, il regarda l’heure : 7h25, plus que cinq minutes avant la fin du petit déjeuné. À cette pensée, son ventre puis le reste de son corps se réveilla complètement. D’une vitesse quasi-surhumaine, il échangea son pyjama pour son uniforme gris un peu délavé et un peu petit. Zigzaguant entre les chaussettes sales, les feuilles de cours délaissées et les diverses jeux traînant sur le sol, il quitta sa chambre en coup de vent. Il arriva à la cafeteria juste au moment ou les commis fermaient la queue et après quelques mots d’excuse et un savon de leur part, il remplit son plateau et chercha du regard ses trois meilleurs amis.
Comme d'habitude, il les aperçut rapidement. Arthur dépassait tout le monde d'une demi-tête, même assis. Un regard endormis encadré par des cheveux noirs lui tombant presque dans les yeux. Mais de plus près, on pouvait voir une curiosité insatiable briller dans ses yeux à l’affût du plus petit détail dans son entourage. C'était son arme la plus puissante et lui avait acquis la réputation de l'homme le mieux renseigné du lycée. Devoir surprise, histoire d'amour, date et lieu de la prochaine sortie ; si quelqu'un les connaissait, c'était bien lui. Sa barbe déjà bien pleine et soignée lui donnait un air sérieux et beaucoup plus âgé que ses dix-sept ans.
En face de lui était assis Yann, tout aussi facile à remarquer que son ami. Il n'était pas beaucoup plus grand que Simon, mais cela le faisait facilement dépasser la moyenne. Il était capitaine de l'équipe de rugby de l'internat et ce n'était pas sans raison, il était déjà plus musclé et plus carré que la plupart des adultes. Carrure que ses cheveux brun foncé coupés à la militaire ne faisait que mettre en valeur. Il était aussi continuellement dans les premiers de la classe avec Arthur et avec tout ça était naturellement devenu quelque peu arrogant. Mais c'était aussi et surtout le meilleur ami de Simon et les deux garçons étaient plus proches que deux frères.
Le dernier du groupe était Valentin. Le plus petit de la bande, il n'avait rien d’impressionnant surtout encadré par ses amis. Par défaut, il s'était tourné vers l'humour et il était passé maître dans ce domaine. Il avait les cheveux châtains en bataille, marque de son retard apparent à lui aussi tout comme son uniforme qui n'était pas dans le meilleur état. Il portait une épaisse paire de lunette, mais pourtant personne n'aurait pensé à se moquer de lui pour ça, il les avaient trop bien adopté dans son identité pour que cela lui fasse quoi que ce soit.
- Tu me dois ton dessert ce midi Yann, annonça Valentin d’un ton victorieux, puis se tournant vers Simon, je savais que je pouvais te faire confiance !
- Je ne suis pas si souvent en retard que ça quand même ? Demanda Simon à Arthur ignorant complètement les deux autres.
Ce dernier rigola un petit coup sans lever les yeux avant de recommencer à manger sans rien dire.
-Toujours le matin ce qui est déjà assez incompréhensible vu le vacarme que font nos réveils, déclama Valentin en pointant Simon de sa fourchette, mais le pire, c'est l'après-midi. Il y a une limite au nombre d'heures de sieste que l'on peut faire !
- Encore si tu n’avais pas de montre, dit Yann d’un air boudeur, mais vu que je t’en offre une à chacun de tes anniversaires, tu ne devrais plus avoir d’excuses.
- Haha, répondit Simon distraitement alors qu’il préparait mentalement son plan pour finir son repas en trois bouchées, dites-moi plutôt ce qu’on a comme cours aujourd’hui.
- Tu m’épateras toujours Simon, ironisa un garçon en passant à côté de lui, tu ne connais toujours pas notre emploi du temps ? Ça fait huit mois qu’on a commencé quand même !
- Je te renvoie le compliment, toujours rien de mieux à faire qu’espionner nos conversations Florien ?
Le nouvel arrivant était un garçon de taille moyenne, les cheveux brun foncé paraissant noirs sous la couche de gel nécessaire pour qu'ils tiennent en pique. Il se tenait dans une posture se voulant désinvolte et arrogante, mais au final qui laissait paraître toute la méprise qu'il possédait pour Simon. La tension commença à monter tandis que les deux garçons s'affrontaient du regard et Simon commença à se lever pour faire face à son adversaire. Mais avant que quoique ce soit puisse arriver les amis du garçon l'appelèrent et avec un rictus et un petit signe de main assez désobligeant, il repartit.
- Il est de bonne humeur celui-là. Lança Valentin, piquant un œuf à Simon. Il a du bien dormir.
- Et dire que t'étais ami avec lui avant. Rajouta Yann. C'est le gel dans les cheveux qui t'empêchait de réfléchir ?
- Oh, c'est bon, on a tous fait des erreurs... Marmonna Simon en devenant rouge.
- Je suis déçu quand même, j'aurais bien aimé te voir avec du gel à traîner avec Flo et son groupe. Renchéri Arthur. Je t'imagine bien en petite racaille.
- C'est bon ça à durer un mois il y a deux ans. Continua de se défendre Simon ressemblant de plus en plus aux tomates dans son assiette.
- Bon, dit Valentin achevant les souffrances de son ami et lui piquant son denier œuf. On arrête de torturer Simon sinon on va tous être en retard.
Le premier cours de la journée était Mathématiques, un des seuls cours avec un prof sympathique, Mr Alexis Trombes. Quittant la cafeteria les quatre amis traversèrent la cour bétonnée en direction d'un grand bâtiment en briques. C'était l'ancien centre de la prison et les cellules avaient étés réaménages en salles de classe, mais l'architecture n'avait pas changé et la même atmosphère, sombre et oppressante se dégageait du lieu. Ils arrivèrent au premier étage et entrant dans leur salle de cours, ils prirent leurs places habituelles au fond de la salle pendant que Simon continuait d'essayer vainement de se défendre.
- Il y avait quoi comme exercices à faire pour aujourd'hui déjà ? Demanda Simon en sortant ses livres dans un espoir de changer le sujet.
- Tu sais qu'on est lundi ? Commença à moraliser Arthur. Faudra vraiment que tu m'expliques comment tu fais pour être toujours en retard sur tes devoirs, surtout dans ta ... Simon ? Tu m'écoutes ?
- La réponse est non, répondit Yann en pointant du doigt une fille, Marie vient juste d'arriver.
Marie n'était pas la fille la plus populaire de la classe, ni même la plus mignonne. Elle était plutôt petite et ses cheveux roux lui descendaient jusqu'aux épaules, sauf une mèche qu'elle mâchouillait constamment. Elle était à l'internat depuis la sixième, mais était maladivement timide et n'avait sûrement jamais tenu une conversation avec la plupart des gens de la classe. Mais cela la rendait irrésistible aux yeux de Simon quoique sa propre couardise la rendait inatteignable.
- Bien commençons la leçon ! Commença Mr Trombes d'une voix forte, sortant Simon de sa rêverie. Mais d'abord sortaient vos devoirs pour aujourd'hui, je vais les ramasser et en noter quelques-uns.
Simon, les joues à nouveaux rouges leva la main,
- Monsieur, je ne les ai pas faits.
Mr Trombes qui avait commencé à ramasser les copies le regarda avec un air exaspérer.
- Ce n’est pas la première fois Simon, tu viendras à la fin des cours et tu les feras à ce moment-là. Il regarda le reste des élèves. À partir de maintenant tous ceux qui ne feront pas leurs devoirs resterons après les cours pour les faire, votre camarade à la gentillesse, pour cette fois, de tester ce nouveau système pour vous. Je vous rappelle quand même que vous êtes en Terminale maintenant et si vous ne voulez pas passer un an de plus ici, il va falloir travailler sérieusement cette année !
- Merci, dit Valentin, en se retournant, moi non plus je ne les avais pas faits.
Le cours d'après était celui d'histoire, traversant une passerelle en fer à moitié rouillée, ils passèrent à côté des cinquièmes.
- Ils rapetissent d'année en année j'ai l'impression, lança Valentin en les regardant, dans quelques années, ils nous arriveront même plus à la taille !
Mme Dubois n'ayant pas donné de devoir pour le week-end et voyant la motivation de ses élèves diminuer à chacun de ses mots leur donna une interrogation surprise quinze minutes avant la fin sous les protestations de tous. Les adolescents sortirent de la salle en maudissant tous la prof, sauf Arthur et Yann qui parlaient joyeusement du repas du midi.
- Mais qui utilisera dans sa vie le fait que Charlemagne soit mort en 825je vous le demande, lança Simon dépité. On ne pourrait pas plutôt avoir des cours de cuisine non ?
- Mon estomac est assez d'accord avec toi. Renchéri Valentin. Mais bon de toute manière on ne va pas se mentir, il n'y a que les intellos qui passent leurs journées dans les bouquins qui peuvent réussir les devoirs de Madame Dubois.
- Ou alors les gens qui ont un minimum d'intelligence, lança Laure en passant à côté d'eux. Et Charlemagne est mort en 824.
Cette dernière était grande, les cheveux de couleur indéfinissable donnant une agréable impression d'automne entre le blond, le roux et le châtain. Sérieuse et travailleuse, ses résultats laissaient pourtant toujours à désirer malgré toute l'aide de Marie, qui elle rivalisait Yann pour la première place à chaque fois. Mais ce n'était ni pour sa coiffure, ni pour son travail que tout le monde connaissait Léa, son caractère de tête de mule était légendaire, on racontait même qu'elle avait réussi à subjuguer un enseignant pour qu'il lui rajoute un point à sa moyenne qu'elle était convaincue de mériter.
- Elle trouvera jamais un copain comme ça, bougonna Valentin.
- Pas terrible la réplique pour le coup, commenta Yann, l'amour te brouille le cerveau ?
Le regard foudroyant que lui renvoya Valentin suffit à les dissuader de continuer sur le sujet.
Ils retraversèrent la cour pour aller prendre leur déjeuner, en se chamaillant pendant tout le repas. Après le repas, Simon et Valentin se mirent à faire les devoirs de Physiques et Français qu'Arthur et Yann, qui se prélassaient dans l'herbe, avaient catégoriquement refusés de leur prêter. Puis la cloche sonna et un cours qu'ils n'oublieraient jamais commença.
- Bon, j’ai parlé à Mr Trombes et apparemment certains d’entre vous n’ont pas fait leurs devoirs, annonça Mme Carles, alors on va essayer un nouveau système que je vais appeler Battle Royal ; je vais appeler deux élèves au tableau, je vais leur donner un exercice similaire à ceux que vous aviez à faire pour aujourd'hui.
- Le premier qui finit son exercice correctement, elle mit bien l'accentuation sur ce dernier mot, se verra gagner un point au prochain devoir, point qui serra retirer au perdant évidemment. On va commencer, au hasard évidemment, par Mr Fauxe et … Tiens Mr Bruitas puisque vous êtes énergétique aujourd’hui.
Simon et Florien s’avancèrent jusqu’au tableau ne se quittant pas du regard pendant toute la traversée de la classe, comme si au moindre moment d’inattention l'autre pouvait bondir pour attaquer, et s’engagèrent dans un duel épique. Les deux dépassèrent leurs limites pour finir avant l’autre, les craies cassant sous leurs doigts étaient aussitôt remplacés par des nouvelles et petit à petit, le tableau se remplit de symboles, de chiffres et de lettres.
Dix minutes plus tard Mme Carles les arrêta, désespérée et les renvoya à leur place, ni l’un ni l’autre n’avait réussi la moindre question malgré tous les efforts de leur professeure. Le système de Battle Royal ne fut plus jamais employé.
Elle envoya ensuite Laure au tableau et celle-ci fit presque pleurer Mme Carles en répondant tout juste dès le premier coup. En repartant, elle lança un regard de dédain à Simon.
- Je crois que t’as une touche, commença Valentin en rigolant, jusqu’à ce que Laure le foudroie lui aussi du regard.
Le cours de français fut beaucoup plus normal, pendant que Mr Travis essayait de leur montrer la profondeur et la beauté de la littérature française les quatre garçons s'étaient mis à leur passe-temps préféré, se raconter des histoires d'horreur. Mr Travis remarquant leur manque d'attention essaya de coincer Arthur, mais ce dernier était passé maître dans l'art de participer à deux conversations à la fois et, après avoir répondu à la question en posa une autre renvoya l'enseignant dans une de ses tirades interminables. Le cours pris fin sans autre incident et quand la cloche sonna le groupe parti vers la forêt tandis que Simon se traîna jusqu'à la salle de Mathématiques pour sa punition.
Il en sorti après une heure de travail intense, Mr Trombes l’avait forcé à faire les exercices pour le lendemain en plus de ceux de la journée. Broyant du noir, il partit dans la forêt rejoindre ses amis. Après avoir traversé la cour, il longea un des murs extérieurs jusqu'à arriver devant un grand buisson épineux. Après un regard rapide pour être sûr que personne ne le voyait, il s'enfonça dans le buisson. Ce dernier était en fait creux et cachait l'entrée d'un trou dans le mur qu’ils avaient découvert deux ans plutôt. Ils avaient pris plusieurs jours à déblayer un chemin tout en essayant tant bien que mal de le garder caché, mais maintenant, ils avaient un accès à l’extérieur et ils en avaient pleinement profité ; en construisant une cabane à une vingtaine de mètres. Cette dernière était composée d'une bâche tendue quelques mètres au-dessus du sol entre quatre arbres et des chaises faites de matériaux récupéré dans les environs.
- Alors ? Lui demanda Yann le voyant arriver, c’était comment ?
- A part le fait que Mr Trombes me déteste maintenant et que j’y ai perdu tout mon temps libre de la journée, remarquablement bien ! Florien et sa clique à la fenêtre qui se moquaient de moi à rajouté encore au plaisir !
- Dans ce cas, je ne m’en veux même plus d’avoir fini les chips. Déclara Valentin en croquant la dernière.
- Ça fait dix minutes qu'il s'accroche à cette chips pour pouvoir te faire cette blague, expliqua Arthur en évitant la branche que Valentin lui lançait.
Ils repartirent peu de temps après le soleil commençant à se coucher et le temps se rafraîchissant rapidement. Ils arrivèrent juste à temps pour le début du service du dîner et après un bon repas et une soirée tranquille, ils se quittèrent pour rejoindre leurs chambres et finir le travail pour le lendemain. Après un quart d'heure intense de travail Simon abandonna et parti prendre sa douche. À son habitude, il se refit la journée dans sa tête, jugeant d'un regard critique tout ce qu'il avait fait. Sortant de la douche, il enfila son peignoir et s'accoudant au rebord sa fenêtre, il regarda le ciel et vit une étoile filante,
- J’aimerais … Un peu plus d’action dans ma vie, pouvoir sortir d’ici et faire quelque chose d’excitant d’extraordinaire ! Ah, et pouvoir parler à Marie aussi, mais je sais que même les vœux ont des limites. Pria Simon en pensant à ce que diraient ses amis s'ils le voyaient faire.
Il poussa sur ses coudes pour se relever, près à partir se coucher quand un violent tremblement de terre lui fit perdre l’équilibre. Il essaya de se rattraper, mais glissa sur une chaussette qui traînait par terre. Sa tempe frappa le rebord de la fenêtre puis tout devint noir.
EDIT : Changé avec les remarques jusqu'à celles de Valentin (les premières si jamais y en à plusieurs).
Notre histoire commence un matin d’avril en 2013, dans une petite ville du Sud-ouest de la France pas très loin de Bordeaux. La particularité de cette ville était son internat, un centre d'accueil pour orphelins et enfants dont les parents ne pouvaient s'occuper. Ils l’avaient construit dans une ancienne prison et pour la plupart des pensionnaires s’en était encore une, le seul moyen de la quitter étant la grande double porte en métal. Et cette dernière était constamment gardée par un système de surveillance imbattable, un garde champêtre irascible et son unique ami son bulldog pur-sang. Les enfants n'avaient pas beaucoup d'occasions de sortir, lors de vacances, pour les sorties académiques et lors de cas exceptionnels. Car c'était un internat à l'année, du premier janvier au trente et un décembre. Il y avait même une école intégrée, avec une classe de chaque niveau, de la Sixième à la Terminale et le Bac était leur seul ticket de liberté. Un très bon système de motivation à mon avis !
Mais l'internat n'était pas aussi invivable qu'on pourrait le croire, à partir de la seconde tous les élèves avaient le droit à une chambre individuelle à l’inverse des plus jeunes qui devait se la partager à quatre. À cet âge-là, ils gagnaient aussi accès libre à toute la forêt qui longeait l'internat, un espace hors du contrôle des adultes. Il fallait une bonne heure pour traverser la forêt de long en large et par mesure de sécurité, elle avait été entourée de grands murs de pierres. Il n'y avait qu'un seul bâtiment dans la forêt, situé à l'opposé du reste de l'internat. Il était complètement désert et les élèves n'avaient pas hésité à en faire leur base d'activité lors de leurs temps libres. La plupart des jeunes s'y retrouvaient pour jouer aux cartes, se raconter des histoires aussi impressionnantes que fausses et passer un bon moment ensemble loin des adultes.
Pour rajouter à leur isolement, même la ville à laquelle ils étaient rattachés était petite et séparée du monde. Il y avait bien une ligne de bus qui passait à intervalle irrégulier, mais ceux-ci étaient rares et peu nombreux. La seule autre option était de marcher et atteindre le centre de Bordeaux prenait bien deux heures.
Revenons en au sujet de notre histoire, Simon. C'était un garçon ordinaire, à 17 ans il était grand mais pas très sportif, et ses muscles ne s'étant pas encore vraiment développés lui donnaient une apparence quelque peu malingre. Il avait les cheveux bruns rebelles d'un adolescent qui essaye de se les laisser pousser et le fantôme d'une moustache se dessinait sur sa lèvre supérieure. Le seul trait qui mettait vraiment Simon en valeur était la couleur de ses yeux, d'un bleu étonnement profond.
Il se réveilla au bruit de son réveil, et d’une main aveugle essaya de le réduire une fois de plus en poudre, mais comme chaque matin ne réussit qu’à l’éteindre. D’un coup d’œil vitreux, il regarda l’heure : 7h25, plus que cinq minutes avant la fin du petit déjeuné. À cette pensée, son ventre puis le reste de son corps se réveilla complètement. D’une vitesse quasi-surhumaine, il échangea son pyjama pour son uniforme gris un peu délavé et un peu petit. Zigzaguant entre les chaussettes sales, les feuilles de cours délaissées et les diverses jeux traînant sur le sol, il quitta sa chambre en coup de vent. Il arriva à la cafeteria juste au moment ou les commis fermaient la queue et après quelques mots d’excuse et un savon de leur part, il remplit son plateau et chercha du regard ses trois meilleurs amis.
Comme d'habitude, il les aperçut rapidement. Arthur dépassait tout le monde d'une demi-tête, même assis. Un regard endormis encadré par des cheveux noirs lui tombant presque dans les yeux. Mais de plus près, on pouvait voir une curiosité insatiable briller dans ses yeux à l’affût du plus petit détail dans son entourage. C'était son arme la plus puissante et lui avait acquis la réputation de l'homme le mieux renseigné du lycée. Devoir surprise, histoire d'amour, date et lieu de la prochaine sortie ; si quelqu'un les connaissait, c'était bien lui. Sa barbe déjà bien pleine et soignée lui donnait un air sérieux et beaucoup plus âgé que ses dix-sept ans.
En face de lui était assis Yann, tout aussi facile à remarquer que son ami. Il n'était pas beaucoup plus grand que Simon, mais cela le faisait facilement dépasser la moyenne. Il était capitaine de l'équipe de rugby de l'internat et ce n'était pas sans raison, il était déjà plus musclé et plus carré que la plupart des adultes. Carrure que ses cheveux brun foncé coupés à la militaire ne faisait que mettre en valeur. Il était aussi continuellement dans les premiers de la classe avec Arthur et avec tout ça était naturellement devenu quelque peu arrogant. Mais c'était aussi et surtout le meilleur ami de Simon et les deux garçons étaient plus proches que deux frères.
Le dernier du groupe était Valentin. Le plus petit de la bande, il n'avait rien d’impressionnant surtout encadré par ses amis. Par défaut, il s'était tourné vers l'humour et il était passé maître dans ce domaine. Il avait les cheveux châtains en bataille, marque de son retard apparent à lui aussi tout comme son uniforme qui n'était pas dans le meilleur état. Il portait une épaisse paire de lunette, mais pourtant personne n'aurait pensé à se moquer de lui pour ça, il les avaient trop bien adopté dans son identité pour que cela lui fasse quoi que ce soit.
- Tu me dois ton dessert ce midi Yann, annonça Valentin d’un ton victorieux, puis se tournant vers Simon, je savais que je pouvais te faire confiance !
- Je ne suis pas si souvent en retard que ça quand même ? Demanda Simon à Arthur ignorant complètement les deux autres.
Ce dernier rigola un petit coup sans lever les yeux avant de recommencer à manger sans rien dire.
-Toujours le matin ce qui est déjà assez incompréhensible vu le vacarme que font nos réveils, déclama Valentin en pointant Simon de sa fourchette, mais le pire, c'est l'après-midi. Il y a une limite au nombre d'heures de sieste que l'on peut faire !
- Encore si tu n’avais pas de montre, dit Yann d’un air boudeur, mais vu que je t’en offre une à chacun de tes anniversaires, tu ne devrais plus avoir d’excuses.
- Haha, répondit Simon distraitement alors qu’il préparait mentalement son plan pour finir son repas en trois bouchées, dites-moi plutôt ce qu’on a comme cours aujourd’hui.
- Tu m’épateras toujours Simon, ironisa un garçon en passant à côté de lui, tu ne connais toujours pas notre emploi du temps ? Ça fait huit mois qu’on a commencé quand même !
- Je te renvoie le compliment, toujours rien de mieux à faire qu’espionner nos conversations Florien ?
Le nouvel arrivant était un garçon de taille moyenne, les cheveux brun foncé paraissant noirs sous la couche de gel nécessaire pour qu'ils tiennent en pique. Il se tenait dans une posture se voulant désinvolte et arrogante, mais au final qui laissait paraître toute la méprise qu'il possédait pour Simon. La tension commença à monter tandis que les deux garçons s'affrontaient du regard et Simon commença à se lever pour faire face à son adversaire. Mais avant que quoique ce soit puisse arriver les amis du garçon l'appelèrent et avec un rictus et un petit signe de main assez désobligeant, il repartit.
- Il est de bonne humeur celui-là. Lança Valentin, piquant un œuf à Simon. Il a du bien dormir.
- Et dire que t'étais ami avec lui avant. Rajouta Yann. C'est le gel dans les cheveux qui t'empêchait de réfléchir ?
- Oh, c'est bon, on a tous fait des erreurs... Marmonna Simon en devenant rouge.
- Je suis déçu quand même, j'aurais bien aimé te voir avec du gel à traîner avec Flo et son groupe. Renchéri Arthur. Je t'imagine bien en petite racaille.
- C'est bon ça à durer un mois il y a deux ans. Continua de se défendre Simon ressemblant de plus en plus aux tomates dans son assiette.
- Bon, dit Valentin achevant les souffrances de son ami et lui piquant son denier œuf. On arrête de torturer Simon sinon on va tous être en retard.
Le premier cours de la journée était Mathématiques, un des seuls cours avec un prof sympathique, Mr Alexis Trombes. Quittant la cafeteria les quatre amis traversèrent la cour bétonnée en direction d'un grand bâtiment en briques. C'était l'ancien centre de la prison et les cellules avaient étés réaménages en salles de classe, mais l'architecture n'avait pas changé et la même atmosphère, sombre et oppressante se dégageait du lieu. Ils arrivèrent au premier étage et entrant dans leur salle de cours, ils prirent leurs places habituelles au fond de la salle pendant que Simon continuait d'essayer vainement de se défendre.
- Il y avait quoi comme exercices à faire pour aujourd'hui déjà ? Demanda Simon en sortant ses livres dans un espoir de changer le sujet.
- Tu sais qu'on est lundi ? Commença à moraliser Arthur. Faudra vraiment que tu m'expliques comment tu fais pour être toujours en retard sur tes devoirs, surtout dans ta ... Simon ? Tu m'écoutes ?
- La réponse est non, répondit Yann en pointant du doigt une fille, Marie vient juste d'arriver.
Marie n'était pas la fille la plus populaire de la classe, ni même la plus mignonne. Elle était plutôt petite et ses cheveux roux lui descendaient jusqu'aux épaules, sauf une mèche qu'elle mâchouillait constamment. Elle était à l'internat depuis la sixième, mais était maladivement timide et n'avait sûrement jamais tenu une conversation avec la plupart des gens de la classe. Mais cela la rendait irrésistible aux yeux de Simon quoique sa propre couardise la rendait inatteignable.
- Bien commençons la leçon ! Commença Mr Trombes d'une voix forte, sortant Simon de sa rêverie. Mais d'abord sortaient vos devoirs pour aujourd'hui, je vais les ramasser et en noter quelques-uns.
Simon, les joues à nouveaux rouges leva la main,
- Monsieur, je ne les ai pas faits.
Mr Trombes qui avait commencé à ramasser les copies le regarda avec un air exaspérer.
- Ce n’est pas la première fois Simon, tu viendras à la fin des cours et tu les feras à ce moment-là. Il regarda le reste des élèves. À partir de maintenant tous ceux qui ne feront pas leurs devoirs resterons après les cours pour les faire, votre camarade à la gentillesse, pour cette fois, de tester ce nouveau système pour vous. Je vous rappelle quand même que vous êtes en Terminale maintenant et si vous ne voulez pas passer un an de plus ici, il va falloir travailler sérieusement cette année !
- Merci, dit Valentin, en se retournant, moi non plus je ne les avais pas faits.
Le cours d'après était celui d'histoire, traversant une passerelle en fer à moitié rouillée, ils passèrent à côté des cinquièmes.
- Ils rapetissent d'année en année j'ai l'impression, lança Valentin en les regardant, dans quelques années, ils nous arriveront même plus à la taille !
Mme Dubois n'ayant pas donné de devoir pour le week-end et voyant la motivation de ses élèves diminuer à chacun de ses mots leur donna une interrogation surprise quinze minutes avant la fin sous les protestations de tous. Les adolescents sortirent de la salle en maudissant tous la prof, sauf Arthur et Yann qui parlaient joyeusement du repas du midi.
- Mais qui utilisera dans sa vie le fait que Charlemagne soit mort en 825je vous le demande, lança Simon dépité. On ne pourrait pas plutôt avoir des cours de cuisine non ?
- Mon estomac est assez d'accord avec toi. Renchéri Valentin. Mais bon de toute manière on ne va pas se mentir, il n'y a que les intellos qui passent leurs journées dans les bouquins qui peuvent réussir les devoirs de Madame Dubois.
- Ou alors les gens qui ont un minimum d'intelligence, lança Laure en passant à côté d'eux. Et Charlemagne est mort en 824.
Cette dernière était grande, les cheveux de couleur indéfinissable donnant une agréable impression d'automne entre le blond, le roux et le châtain. Sérieuse et travailleuse, ses résultats laissaient pourtant toujours à désirer malgré toute l'aide de Marie, qui elle rivalisait Yann pour la première place à chaque fois. Mais ce n'était ni pour sa coiffure, ni pour son travail que tout le monde connaissait Léa, son caractère de tête de mule était légendaire, on racontait même qu'elle avait réussi à subjuguer un enseignant pour qu'il lui rajoute un point à sa moyenne qu'elle était convaincue de mériter.
- Elle trouvera jamais un copain comme ça, bougonna Valentin.
- Pas terrible la réplique pour le coup, commenta Yann, l'amour te brouille le cerveau ?
Le regard foudroyant que lui renvoya Valentin suffit à les dissuader de continuer sur le sujet.
Ils retraversèrent la cour pour aller prendre leur déjeuner, en se chamaillant pendant tout le repas. Après le repas, Simon et Valentin se mirent à faire les devoirs de Physiques et Français qu'Arthur et Yann, qui se prélassaient dans l'herbe, avaient catégoriquement refusés de leur prêter. Puis la cloche sonna et un cours qu'ils n'oublieraient jamais commença.
- Bon, j’ai parlé à Mr Trombes et apparemment certains d’entre vous n’ont pas fait leurs devoirs, annonça Mme Carles, alors on va essayer un nouveau système que je vais appeler Battle Royal ; je vais appeler deux élèves au tableau, je vais leur donner un exercice similaire à ceux que vous aviez à faire pour aujourd'hui.
- Le premier qui finit son exercice correctement, elle mit bien l'accentuation sur ce dernier mot, se verra gagner un point au prochain devoir, point qui serra retirer au perdant évidemment. On va commencer, au hasard évidemment, par Mr Fauxe et … Tiens Mr Bruitas puisque vous êtes énergétique aujourd’hui.
Simon et Florien s’avancèrent jusqu’au tableau ne se quittant pas du regard pendant toute la traversée de la classe, comme si au moindre moment d’inattention l'autre pouvait bondir pour attaquer, et s’engagèrent dans un duel épique. Les deux dépassèrent leurs limites pour finir avant l’autre, les craies cassant sous leurs doigts étaient aussitôt remplacés par des nouvelles et petit à petit, le tableau se remplit de symboles, de chiffres et de lettres.
Dix minutes plus tard Mme Carles les arrêta, désespérée et les renvoya à leur place, ni l’un ni l’autre n’avait réussi la moindre question malgré tous les efforts de leur professeure. Le système de Battle Royal ne fut plus jamais employé.
Elle envoya ensuite Laure au tableau et celle-ci fit presque pleurer Mme Carles en répondant tout juste dès le premier coup. En repartant, elle lança un regard de dédain à Simon.
- Je crois que t’as une touche, commença Valentin en rigolant, jusqu’à ce que Laure le foudroie lui aussi du regard.
Le cours de français fut beaucoup plus normal, pendant que Mr Travis essayait de leur montrer la profondeur et la beauté de la littérature française les quatre garçons s'étaient mis à leur passe-temps préféré, se raconter des histoires d'horreur. Mr Travis remarquant leur manque d'attention essaya de coincer Arthur, mais ce dernier était passé maître dans l'art de participer à deux conversations à la fois et, après avoir répondu à la question en posa une autre renvoya l'enseignant dans une de ses tirades interminables. Le cours pris fin sans autre incident et quand la cloche sonna le groupe parti vers la forêt tandis que Simon se traîna jusqu'à la salle de Mathématiques pour sa punition.
Il en sorti après une heure de travail intense, Mr Trombes l’avait forcé à faire les exercices pour le lendemain en plus de ceux de la journée. Broyant du noir, il partit dans la forêt rejoindre ses amis. Après avoir traversé la cour, il longea un des murs extérieurs jusqu'à arriver devant un grand buisson épineux. Après un regard rapide pour être sûr que personne ne le voyait, il s'enfonça dans le buisson. Ce dernier était en fait creux et cachait l'entrée d'un trou dans le mur qu’ils avaient découvert deux ans plutôt. Ils avaient pris plusieurs jours à déblayer un chemin tout en essayant tant bien que mal de le garder caché, mais maintenant, ils avaient un accès à l’extérieur et ils en avaient pleinement profité ; en construisant une cabane à une vingtaine de mètres. Cette dernière était composée d'une bâche tendue quelques mètres au-dessus du sol entre quatre arbres et des chaises faites de matériaux récupéré dans les environs.
- Alors ? Lui demanda Yann le voyant arriver, c’était comment ?
- A part le fait que Mr Trombes me déteste maintenant et que j’y ai perdu tout mon temps libre de la journée, remarquablement bien ! Florien et sa clique à la fenêtre qui se moquaient de moi à rajouté encore au plaisir !
- Dans ce cas, je ne m’en veux même plus d’avoir fini les chips. Déclara Valentin en croquant la dernière.
- Ça fait dix minutes qu'il s'accroche à cette chips pour pouvoir te faire cette blague, expliqua Arthur en évitant la branche que Valentin lui lançait.
Ils repartirent peu de temps après le soleil commençant à se coucher et le temps se rafraîchissant rapidement. Ils arrivèrent juste à temps pour le début du service du dîner et après un bon repas et une soirée tranquille, ils se quittèrent pour rejoindre leurs chambres et finir le travail pour le lendemain. Après un quart d'heure intense de travail Simon abandonna et parti prendre sa douche. À son habitude, il se refit la journée dans sa tête, jugeant d'un regard critique tout ce qu'il avait fait. Sortant de la douche, il enfila son peignoir et s'accoudant au rebord sa fenêtre, il regarda le ciel et vit une étoile filante,
- J’aimerais … Un peu plus d’action dans ma vie, pouvoir sortir d’ici et faire quelque chose d’excitant d’extraordinaire ! Ah, et pouvoir parler à Marie aussi, mais je sais que même les vœux ont des limites. Pria Simon en pensant à ce que diraient ses amis s'ils le voyaient faire.
Il poussa sur ses coudes pour se relever, près à partir se coucher quand un violent tremblement de terre lui fit perdre l’équilibre. Il essaya de se rattraper, mais glissa sur une chaussette qui traînait par terre. Sa tempe frappa le rebord de la fenêtre puis tout devint noir.
EDIT : Changé avec les remarques jusqu'à celles de Valentin (les premières si jamais y en à plusieurs).
Dernière édition par Foxburrows le Sam 4 Avr - 17:40, édité 1 fois